Le reflet
Aujourd'hui, mon chemin a croisé le tien, tandis que le Soleil croisait celui de Pluton dans les cieux.
Il y avait tellement de détresse dans ton regard. Elle en coulait de tes yeux, elle en débordait sur ton visage.
Je n’ai pas tout de suite compris. Je suis passée à côté de toi comme un fantôme, avant de me souvenir.
Le souvenir d’une jeune femme qui me regardait avec tes yeux dans le miroir.
Assise sur ce banc, je n’ai pas tout de suite vu la faux à ton côté. À côté de toi sur ce banc, je n’ai pas tout de suite vu la Mort.
Je suis passée.
Ton regard m'a suivie.
Je me suis retournée.
Je t’avais vu.
Je me suis accroupie, je t’ai parlé, je t’ai touchée, je t’ai regardée.
Un pont s'est établi entre nos yeux.
Tu n’as pas supporté.
Pourquoi cette inconnue se souciait-elle de toi, lorsque ceux qui devraient le faire ne le faisaient pas? Pour qui se prenait-elle?
Toute cette immonde inquiétude et compassion dans ses yeux. Tout ce que tu crevais de recevoir, là, accroupi devant toi, offert.
Le dégoût de soi qui t’est remonté dans la gorge.
Intolérable, immonde honte.
Ce dégoût qui te remonte la gorge.
Le ravaler avant qu’il ne t’avale.
Le ravaler avant de me le vomir dessus.
Tu as alors gobé le tesson de verre que tu tenais dans ta main.
Tu as refusé d’ouvrir la bouche lorsque j’ai agrippé ta mâchoire.
Alors je t’ai agrippé la main et je me suis assise en me collant contre toi, prenant la place de la Mort et sa faux.
J’avais si froid. J’avais peur que tu aies si froid.
Tu as posé ta tête sur mon épaule pendant que je composais le numéro de l’ambulance.
Tu as posé ta tête sur mon épaule. Enfin, tu t’es détendue. Enfin, tu étais en sécurité. Enfin, tu n’étais plus seule.
Emilie Bétrix
20 janvier 2024