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Ode au bonheur

Oh, je veux être heureuse. Oh, je suis née pour le bonheur. Oh, mon amour, je te revendique comme mon droit et mon devoir de naissance. Je t’ai connu, je t’ai vu, je t’ai bu. Apparu par intervalle, comme le soleil entre les nuages. Les yeux de ma mère, la silhouette de ma grand-mère, une complicité entre sœurs. Ces étreintes amicales sur ma route. Le clin d’œil d’un livre adoré.  Le sourire d’une fleur, le passage d’une abeille. Le chuchotement millénaire des arbres, leur rugueuse écorce sous mes doigts. La caresse de l’encolure d’un cheval, le chien qui pose sa tête sur mes genoux, le doux coup de tête d’un chat. La poussière de la terre et l’écume des mers, tandis que mes cheveux dansent dans le vent. Oh, tu virevoltais au milieu des pétales de fleurs de cerisier. Aussi précieux que l’or des feuilles. Aussi majestueux que les manteaux de neige. Ta beauté, ton goût, ta chaleur. Puis, un jour, tes passages sont devenus plus rares, sont devenus plus courts. Puis, un jour, tu es part...

Violences psychiatriques

Cher lecteur, chère lectrice,   C’est un écrit quelque peu différent des autres que je vous livre aujourd'hui.   J’ai choisi de partager certains évènements qui ont marqué ma vie et mon identité ces quatre dernières années. Quatre années et neuf hospitalisations, c’est ce qu’il m’aura fallu pour distinguer les plaies de ma peau.   En novembre 2023, peu de jours après  m’être enfuie  être résolument sortie d’hôpital, la lecture du témoignage de cet article de presse a ouvert les vannes et déclenché ce vomissement verbal. Incrédule devant les similarités perçues entre cet article, relatant une expérience vieille de dix ans, avec mon expérience actuelle, je décidai de raconter tout ce que l’hôpital m’avait fait subir. Me croyant alors fort du soutien de mes amies, je décidai que le lugubre sujet des violences psychiatriques dans nos hôpitaux devait être mis au jour. Je rédigeai mon témoignage sous la forme de deux écrits. L’un irait aux autorités, l’autre à la pre...

Le reflet

Aujourd'hui, mon chemin a croisé le tien, tandis que le Soleil croisait celui de Pluton dans les cieux. Il y avait tellement de détresse dans ton regard. Elle en coulait de tes yeux, elle en débordait sur ton visage.  Je n’ai pas tout de suite compris. Je suis passée à côté de toi comme un fantôme, avant de me souvenir. Le souvenir d’une jeune femme qui me regardait avec tes yeux dans le miroir.  Assise sur ce banc, je n’ai pas tout de suite vu la faux à ton côté. À  côté de toi sur ce banc, j e n’ai pas tout de suite vu la Mort.   Je suis passée. Ton regard m'a suivie. Je me suis retournée. Je t’avais vu. Je me suis accroupie, je t’ai parlé, je t’ai touchée, je t’ai regardée . Un pont s'est établi entre nos yeux. Tu n’as pas supporté. Pourquoi cette inconnue se souciait-elle de toi, lorsque ceux qui devraient le faire ne le faisaient pas? Pour qui se prenait-elle? Toute cette immonde inquiétude et compassion dans ses yeux. Tout ce que tu crevais de recevoir, là...

Le miroir

Ils m’ont poussée par-dessus la rambarde. Ils disent que je suis folle. Elles m’ont transpercée de leurs regards et saignée de leurs mots. Elles disent que je suis folle. Alors que je pleurais, ils m’ont renversée et frappée. Ils disent que je suis folle. Alors que je riais, elles ont pris ma joie pour leur aigreur. Elles disent que je suis folle. Ils ont confondu ma beauté avec leur possession. Ils disent que je suis folle. Elles ont confondu mes sourires avec leur faiblesse. Elles disent que je suis folle. Ils ont méprisé mes fleurs et les ont piétinées de leur verbe. Ils disent que je suis folle. Ils m’ont écrasée de leur silence. Ils disent que je suis folle. Lorsqu’enfin, je me perce, transperce, saigne et frappe. Ils disent que je suis folle. Lorsqu’enfin, je dis non et je hurle ce qu’ils font. Ils disent que je suis folle. Lorsqu’enfin, je m’indigne de leur indignité. Ils me rejettent. Lorsqu’enfin, je me tuerai de leurs choix. Ils diront que j’étais folle. Lorsqu’enfin, je me s...

Noir dragon

Je suis devenue le dragon.  C’est un dragon noir.   Sans âge, ses cornes s’emmêlent autour de toiles d’araignée. La poussière recouvre ses écailles.  Qui est-il? Il ne parle pas ma langue. Ses mots sont inarticulés. Un grondement, un borborygme dans mon esprit.  Qui est-il? Je ne parle pas sa langue.  Son feu est une immondice. Elle agrippe tout ce qu’il brûle pour le réduire à néant. Au néant.  Ni cruel, ni doux, naturel et contre-nature. Il attend. Il attend que je fasse appel à lui.  Car avec lui, je peux tout vaincre, ne laissant qu’une terre brûlée, révulsée, et les restes dégoulinants de ceux qui auront refusé de se soumettre à ma vision.   Il attend.  Qui est-il? Les bras plaqués contre mon corps. Mes jambes sont queue et écailles. Un prolongement noir, une fumée renversée. Le dragon m’habille. Son corps me revêt. Impuissante et immobile, j ’observe  le dragon me dévorer silencieusement. Émilie Bétrix 13 septembre 2...

Un, deux, trois

Un. Deux. Bute. Bute sur l'obstacle. Bute sur la plaie. Bute sur le trou. C'est une échappatoire.  Ne la laisse pas s'en aller. Agrippe-la. Retiens-la. Un. Deux. Tombe. La branche a cassé. Tu la croyais solide. Tu la croyais alliée. Traîtresse. L'échappatoire était un piège. Deux. Un. À terre. Figée immobilité. C'était un ultimatum. Un. Tu t'es trompée. Un. Encore une fois, tu t'es trompée. Un. Tu te trompes toujours. Un. Un. Coincée. Tombée dans une lacune. Mais je ne voulais pas. C'est une faille dans le récit. Un. Un. Un. Laissez-moi sortir. Un. Non, attendez, ça me fait trop peur. Un. Un. C'est juste un drame. Un drame de rien du tout. Un. Un. Des pleurs. Mais les larmes sont coincées. Un sanglot piégé dans la gorge. Un. Un. Contraction. Paradoxes. Frottement. Illusions. Mon esprit s'évade. Mes entrailles se retournent.  Je suis perdue. Un. Révulse. Dissocie. Il n'y a plus personne. Juste un automate à travail. Les âges se croisent. Plus ...